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enjeux du dehors de twitter (et des plateformes)

05.11.2022

Bon et bien maintenant que j'ai mis de côté l'effet twitter. Continuer à documenter et argumenter à propos ce qui ne va pas dans les errances de twitter, c'est du travail gratuit. Maintenant, il est temps de réfléchir aux enjeux offert par l'en dehors et donc Mastodon.

Ces considérations sont un point de vue personnel et qui n'engage que moi. Ce ne sont pas nécessairement les directions que prendront un certain média indépendant que seuls les abonnés peuvent acheter où je passe mes journées. Bien entendu, je ne pense pas dans le vide, j'échange sur le sujet et je métabolise certaines idées. Les partager a pour vocation d'aller plus loin et de voir si les conversations permettent d'identifier des angles morts.

certification

L'idée vient surtout de Dan Hon dans sa newsletter et dans quelques threads. Un intérêt majeur pour une entreprise ou un organisation publique d'avoir sa propre instance mastodon est d'avoir une liberté totale sur la gouvernance de son système de certification et d'authenticité des comptes. À la différence de twitter, ou bien même de facebook, l'aura de la pastille bleue dénotant un compte certifié ne dépendra pas d'une stratégie produit, d'une politique tarifaire ou d'une quelconque forme d'arbitraire. La décision revient directement à l'instance, la certification vient avec son nom. Comme pour les emails sauf qu'il sera plus compliqué de truquer le nom de l'expéditeur. Il y aura bien des techniques provenant du phishing qui utiliseront une confusion sur la proximité des noms mais la réponse sera d'autant plus efficace qu'elle sera collective.

Les organisations auront d'autant plus de contrôle sur qui est affilié ou non. Une arrivée, un nouveau compte. Un départ, une redirection. Comme les emails ou bien slack mais ouvert et public.

prendre soin de ses publics/communautés

Encore une fois, je n'invente pas grand chose et je reprend une formule séduisante de Samuel Goëta sur les données. Ayant un vécu actuellement négatif sur la plateforme bleue, il ne m'a jamais paru évident d'y exposer les interlocuteurs priviligiés. À part bien entendu si le but est d'en tirer un bénéfice monétaire dérivé de l'exploitation de leur attention. Il en va de même pour youtube et facebook. Au mieux, agir en passeur et organiser des sorties de ces pièges informationnels déguisés en espaces publics. Sans que cela soit une panacée totale, les systèmes fédérés permettent de gagner en clareté sur les lignes de tension entre communautés. À la fois sur les différences de politique et d'usage mais aussi sur la finalité des interactions. Converser sur twitter, c'est rester en contact direct avec les entreprises productivistes et marchandes, les publicitaires, etc. Ce n'est pas pour rien que cela est devenu aussi un lieu de service après vente et d'écoute des complaintes. On a été amené progressivement à se servir de ces espaces pour se plaindre et espérer réparation parce qu'on sait que les propos allaient être captés. Cela vaut aussi pour la réaction des pouvoirs politiques aux sauts de bruit sur les plateformes. La soustraction des communautés de ces espaces vers de nouveaux horizons demandera une capacité à ne plus réfléchir avec les mesures standardisés des communautés, ou plutôt des foules : l'engagement en quantité d'interactions ou l'attention en nombre de vues.

Est-ce qu'on pourra alors penser la mesure des groupes sous l'angle de leur santé/bien être ? Est-ce que ce que l'on apporte fait du bien ou du mieux plutôt que du facile ?

rematérialisation de l'audience

Tout d'abord, il est toujours gênant de "l'audience de" comme s'il y avait vraiment une relation d'appartenance. Passer sur un système décentralisé permet de casser le multi-side market et sa mystification. Le mensonge principale des plateformes dont le revenu principale est la publicité est de faire croire à une forme de relation directe entre une organisation et ses publics. Comme si la plateforme et ses interfaces n'étaient que des médiations totalement transparentes. Le capitalisme de surveillance se nourrit de cette invisiblisation et tire tout son capital de toute l'information qui est aspiré dans ce qui semble être transparent.

Bref.

Sortir de twitter et aller vers un système distribué et fédéré, c'est remettre en lumière le coût de la machine. Cela permet également de se questionner à nouveau sur les échelles et les périmètres. À-t-on vraiment besoin d'autant de vitesse et de volume de données ? Est-ce que l'on ne peut pas imaginer la matérialisation des réseaux avec des manières de faire plus frugales ? Se pose ainsi la question de l'ownership et du stewardship des espaces publics plutôt qu'une délégation aveugle et sans contrat à des entreprises capitalistes et sans frontières. L'audience n'est ainsi plus une vue abstraite et obscure, tout au mieux quelques chiffres, mais redevient quelque chose de tangible avec un poid et des responsabilités.

Monter une instance n'est pas ainsi évident. Aller sur une instance tierce non plus quand on a une certaine audience càd un certain poid en terme de bande passante. Pour qui et pourquoi avant le comment. Chaque organisation n'a pas ainsi vocation à faire créer une instance pour ses usagers. Cela serait aussi pertinent que de leur demander de se créer une boîte mail au nom de l'organisation et cela s'est déjà vu aux débuts de l'internet grand public quand les fournisseurs d'accès ouvrait un compte email pour leurs nouveaux clients. J'imagine plutôt le retour et la nécessité d'un travail sur les biens communs numériques qui permettrait de penser l'inclusivité des marges, des personnes qui ne se trouvent actuellement dans aucun groupement solidaire, un problème de notre temps qui dépasse largement les questions du numérique.

C'est une réflexion très centrée sur une perspective média et organisationnelle mais je pense qu'elle est aussi traduisible pour les communautés allant des groupes affinitaires ou d'amis.