quelques notes sur le licenciement de 28 employé-e-s de Google
21.04.2024
J’avais besoin de me faire une petite synthèse concernant le licenciement de 28 employé-e-s de Google car ce que je lisais partait dans tous les sens à grands coups de paniques autour de l’intelligence artificielle. Mon intention était de manifester quelques chemins que j’aimerais voir apparaître et de réfléchir en faisant des phrases. Cela peut toujours dépanner celleux qui regardent la chose de loin pour éviter quelques confusions.
ce qu’il s’est passé
- Mardi 16 avril 2024, des employé-e-s de la grande entreprise Google, et membres du collectif No Tech For Apartheid, ont organisé une manifestation à l’intérieur des locaux.
- L’intention était de sensibiliser leurs collègues à propos d’un contrat commercial entre Google et l’État israélien. C’est le fameux Project Nimbus. Selon elleux, c’est une ligne rouge éthique qui est vécue comme la participation de l’entreprise au génocide à Gaza.
- 28 employé-e-s se font alors licencier après des arrestations et de la garde à vue pour certain-e-s alors que d'autres ne semblent qu'avoir adressé-e-s la parole aux protestataires.
les notes en vrac
sur le projet
- Le Project Nimbus est un accord commercial de 1,3 milliard de dollars US entre l’état israélien et des entreprises américaines, Google et Amazon, pour une prestation d’infrastructure cloud ainsi que du conseil en modernisation. L’accord date de 2021 et a une durée de 7 ans. Depuis son commencement, il suscite des inquiétudes et des mobilisations au sein de l’entreprise.
- Pas de lien avéré pour le moment avec Lavender, le système permettant à l’armée israélienne d’établir une large liste d’individus à abattre en faisant fi des victimes civiles. À ne pas confondre avec The Gospel qui est le système qui détermine les bâtiments à détruire. Les deux systèmes optimisent, entre autres, l’étalement des bombardements dans le temps pour éviter des effets de creux et d’entonnoirs.
- Il faut certainement inscrire le contrat dans le triptyque infernal : big data, cloud computing, et intelligence artificielle.
- D’ailleurs même si on trouve des mentions de technologies commercialisées comme étant de l’IA, la problématique du paradigme de contrôle et de gouvernance introduite par l’informatisation et la quantification reste d’actualité. Looking at you la CNAF.
- On peut retrouver la thématique de l’alignement entre le capitalisme de plateforme et les visions technocratiques des États modernes. Notamment l’importance du cloud computing dans les infrastructures de surveillance.
- À mon avis, il y a une piste sur le rôle des grandes entreprises comme prolongement de la diplomatie. Confier une infrastructure critique à une organisation étrangère, plus particulièrement états-unienne, après les révélations de Snowden ainsi que les différentes mesures prises, par exemple par l’Europe, sur la protection des données, laisse songeur. Cohérence avec la politique du gouvernement US.
- On y retrouve les nuances sémantiques concerne la vente d’armes au gouvernement et non à l’armée.
- Contrairement à Maven qui impliquait le Pentagone, il n’y a pas encore eu de vague de protestation massive et médiatisée notamment avec des relais dans l’opinion publique. Le projet a alors disparu des radars et sa principale porteuse, Fei-Fei Li est retournée au monde académique. Cela dit quand même quelque chose sur les lignes de démarcation au sein de l’entreprise. La surveillance de masse, c’est non, mais un génocide, c’est emoji shrug.
sur les licenciements
- Le licenciement expéditif de 28 employés ainsi que le ton autoritaire de l’email montrent une évolution du contrôle au sein de l’entreprise.
- Cet entretien téléphonique de Marisa Kabas avec Hasan Ibraheem, un des employé-e-s licencié-e-s, est une lecture très intéressante et plus riche que la plupart des articles de presse qui font un travail touristique de synthèse.
- On pourrait mettre cela en contraste avec :
- démission de Ariel Koren en 2022 après une série de protestations écrites et des mobilisations sur les canaux de communications internes concernant le même Project Nimbus.
- démission de Meredith Whittaker en 2019 suite aux Google Walkouts visant un manque d’actions concrètes contre les discriminations sexistes au sein de l’entreprise.
- démission de Timnit Gebru en 2020 suite à la publication du célèbre article signé avec 3 autres co-autrices On the Dangers of Stochastic Parrots: Can Language Models Be Too Big? dénoncant l’exagération de la pertinence et les dérives éthiques de l’IA notamment les Large Language Models sur le plan de la consommation de ressources naturelles par exemple.
- L’importance géographique du lieu de travail et retour de bâton du work from home. virulence de la sanction. Visibilisation de la dimension politique du télétravail au regard d’un esprit de contrôle.
- La sociologie des employé-e-s qui semblent à la fois jeunes, à la fois en âge, mais aussi en ancienneté, et racisé-e-s.
- Est-ce qu’on va voir enfin revenir la question du syndicalisme des travailleuses et travailleurs du numérique ?
email de licenciement
Serious consequences for disruptive behavior
Googlers,
You may have seen reports of protests at some of our offices yesterday. Unfortunately, a number of employees brought the event into our buildings in New York and Sunnyvale. They took over office spaces, defaced our property, and physically impeded the work of other Googlers. Their behavior was unacceptable, extremely disruptive, and made coworkers feel threatened. We placed employees involved under investigation and cut their access to our systems. Those who refused to leave were arrested by law enforcement and removed from our offices.
Following investigation, today we terminated the employment of twenty-eight employees found to be involved. We will continue to investigate and take action as needed.
Behavior like this has no place in our workplace and we will not tolerate it. It clearly violates multiple policies that all employees must adhere to — including our Code of Conduct and Policy on Harassment, Discrimination, Retaliation, Standards of Conduct, and Workplace Concerns.
We are a place of business and every Googler is expected to read our policies and apply them to how they conduct themselves and communicate in our workplace. The overwhelming majority of our employees do the right thing. If you’re one of the few who are tempted to think we’re going to overlook conduct that violates our policies, think again. The company takes this extremely seriously, and we will continue to apply our longstanding policies to take action against disruptive behavior — up to and including termination.
You should expect to hear more from leaders about standards of behavior and discourse in the workplace.
Source : The Verge
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