L'homme et le sacré
Roger Caillois
Au fond, du sacré en général, la seule chose qu'on puisse affirmer valablement est contenue dans la définition même du terme : c'est qu'il s'oppose au profane. Dès qu'on s'attache à préciser la nature et les modes de cette opposition, on se heurte aux plus graves obstacles. Quelque élémentaire qu'elle soit, aucune formule n'est applicable à la complexité labyrinthique des faits. Vérifiée dans une certaine perspective, elle se voit grossièrement démentie par un ensemble de réalités qui s'organisent suivant un autre. Faudrait-il commencer par une multitude de monographies sur les rapports du sacré et du profane ? C'est le travail de plusieurs vies, si l'enquête porte sur un nombre suffisant de cas particuliers. C'est le risque de très dangereuses généralisations, si elle reste trop incomplète. Dans ces conditions, je me suis résigné à ne décrire que des types de relations. C'était plus franc, si c'était moins prudent. Le côté schématique de l'ouvrage s'en trouve sans doute accentué à l'extrême ; j'ai été ambitieux par nécessité : ne pouvant aborder l'étude de l'inépuisable morphologie du sacré, j'ai dû tenter d'en décrire la syntaxe.
Avant-propos